Rue des impressions et Nocturiales de Philippe Besse
Deux recueils de poésie édités par az’art atelier éditions, Toulouse.
Deux
livres qui nous conduisent vers une méditation urbaine en suivant les
pas de l’auteur, même si la mer se trouve repliée quelque part dans un
coin de l’esprit. .
L’objet livre : original,
présentation soignée. Le livre de format rectangulaire tient dans la
main, donne envie d’être emporté avec soi, d’être ouvert à la moindre
occasion. Beau design. Graphisme de pro, avec reprise, en grisé, des
motifs de première de couverture sur certaines pages intérieures. La
couverture ne se gondole pas, le livre reste impeccable après plusieurs
lectures.
Rue des impressions
Formes, notes, couleurs tentent de dire en mots choisis l’éphémère et ses questionnements.
L’homme
profondément seul, traîne dans les rues de la ville l’ombre du passé ;
sa mémoire au long cours qui le traverse et le dépasse. Il y a la
Garonne, sa « lumière en état de fuite », il y a la lune aussi « Elle a
lavé le ciel / De craies pointées de bleu / Par l’éponge des mots »
L’ombre
se déroule que l’on voudrait étreindre dans le mouvement de la vie, que
l’on voudrait voir danser, présence vive, proche de la joie seulement
promise.
Le poète s’adresse à l’enfant du temps, l’enfant
d’aujourd’hui, quelque soit son âge, soumis à l’inexistence, il aimerait
l’inviter un moment à « s’allonger dans le bleuté de ses rêves, dans le
vent de sa vie pour couvrir l’horizon de mots de lune », à regarder «
ces éclats de phrasé surgir, muses éphémères, tels des soupirs profonds
d’anges rieurs »
Nous nous ressemblons dans nos absences, nous
passons sur Terre comme des ombres, pour finalement nous effacer. "Ainsi
fondu au ciel / à ce coeur d'horizon / J'ai enfin pour chemin / Ce fil
effacement"
Nocturiales
On avance dans ce
recueil en « frôlements de nuit », on devient corps fenêtre à l’écoute
de l’obscur, des rêves, et du plus profond de notre être.
J’ai
particulièrement aimé « Un homme en partance », poème dédié au
grand-père de l’auteur. Cet homme « emporté par le vent de la
désillusion », dont la « vie se craquelle à l’écho du passé ».
Nos
souvenirs sont les chants d’oiseaux du passé « Ils ouvrent la fenêtre
des silences / Et pèsent sur le blanc de nos regards / Pour nous montrer
le chemin de la vie »… et les éclats de vie passent « par un réseau de
fils tressés des mots »
Mon impression : Cette
poésie née de la nuit, s’appuie sur le versant sombre de notre présence
au monde. La mémoire se refuse à l’oubli, qu’elle appelle pourtant,
mais l’enfant sur la route marche vers son accomplissement. Il naît sans
mémoire et abandonnera même ses souvenirs d’enfance heureuse pour
entrer au pays de l’Amour ou du Néant éternel. Seuls les pas du moment
présent comptent, mais la conscience du temps « nous livre à nous-mêmes
et à nos propres doutes ».
Sombre, incontestablement, mais la lumière
par éclats vient nous surprendre au détour d’un vers. On devine que le
cœur reste toujours borderline de la joie, même si la lucidité l’en
écarte.
Carmen Pennarun